Introduction
J’ai intitulé ce recueil de textes courts « Fragments du théâtre et autres histoires ». Deux raisons motivent ce choix. La première, qui pourrait vous sembler même comique, m’est venue un soir où je suis allé voir un spectacle au théâtre de la Scala à Paris. La deuxième semble exister depuis déjà un certain temps.
Un soir, après le travail – qui fera également partie de l’un de mes fragments – je suis allée voir un spectacle. C’était une invitation. Pour ne pas tout vous raconter dès le début, je dirai seulement que l’histoire sur mes invitations sera aussi l’un de mes fragments. J’arrive au théâtre pile-poil, je m’assois au dernier rang et j’attends impatiemment le début du spectacle. C'était dans la petite salle de la Scala qui a la forme d’un amphithéâtre. L’entrée sur la scène se fait à partir de l’escalier placé des deux côtés de la salle entre les places des spectateurs. Une actrice apparaît, portant dans ses mains un tas énorme de livres qui arrive jusqu’à son front et qui lui empêche de marcher facilement et lui limite la vue. Ainsi, elle commence à descendre l’escalier. C’était une marche lente et extrêmement difficile pendant laquelle elle était aussi obligée de parler. Je dis « obligée » parce que la tonalité de sa voix, d’ailleurs immuable même après la descente, était très basse et, au lieu de donner de la puissance à cette première scène, elle lui a enlevé. On pourrait même se demander s’il était vraiment nécessaire de prendre un tel tas de livres qui limite les mouvements sans pour autant donner de sens à cette impossibilité de bouger aisément.
Si vous pensez que ces pages commencent à ressembler à une critique théâtrale, vous avez peut-être raison. Pourtant, la description de cette première scène est importante, car c’est précisément au moment où je l’observais que l’idée d’écrire ces fragments est née. Et pendant que j'écris cette première page et que je parle des mouvements scéniques, qui, suite aux éléments externes de la scène (la scénographie ou les objets scéniques), sont limités ou difficiles à exécuter, je me suis souvenue de la majestueuse mise en scène d’Ivo van Hove, Électre / Oreste, que j’avais vue à la Comédie Française en 2019. Dans la deuxième partie du spectacle, il y avait de la boue sur le sol du plateau qui déséquilibrait les mouvements des acteurs, faisant que le corps devenait le narrateur de l’histoire ou bien l’expression des déséquilibres intérieurs profonds des personnages.
Mais revenons aux raisons qui m’ont poussé à appeler ces textes des fragments. Le spectacle à la Scala s’appelait Fragments. Il s’agit des textes de Hannah Arendt dans la mise en scène de Charles Berling. Si vous ne connaissez pas Hannah Arendt, vous pouvez faire une petite recherche et comprendre le choix de structurer la mise en scène en présence de plein de livres qui évoquent le sentiment de poids lourd. Tout choix doit cependant être justifié. Un fameux metteur en scène-pédagogue français le répétait constamment dans son magnifique livre Le corps poétique, titre qui suscite toujours ma fascination. Je vais y revenir plus tard. Donc, au moment où j’ai observé cette scène, je me suis souvenue des mots d’un autre metteur en scène qui m’a dit une fois : « Au moment où le rideau se lève, je sais si le spectacle sera bon ou pas ». Ce sera la première histoire de mes fragments.
Aida Copra
à suivre...
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