Le 09 janvier 2024
Théâtre de la Ville - Les Abbesses
Invisibili
Compagnie 111 Conception, scénographie et mise en scène Aurélien Bory
Avec : Gianni Gebbia, Blanca Lo Verde, Chris Obehi, Maria Stella Pitarresi, Arabella Scalisi et Valeria Zampardi
Collaboration artistique, costumes : Manuela Agnesini
Collaboration technique et artistique : Stéphane Chipeaux-Dardé
Musique : Gianni Gebbia, Joan Cambon
Musiques additionnelles : Arvö Part Pari Intervallo (transcription Olivier Seiwert), Léonard Cohen Hallelujah, J.S. Bach Gigue, 2e suite for Violoncelle
Création lumière : Arno VeyratDécors, machinerie et accessoires : Hadrien Albouy, Stéphane Chipeaux-Dardé, Pierre Dequivre, Thomas Dupeyron, Mickaël Godbille
Régie générale : Thomas Dupeyron
Régie son : Stéphane LeyRégie lumière : Arno Veyrat ou François Dareys
Régie plateau : Mickaël Godbille, Thomas Dupeyron
Image - Il Trionfo della Morte (dettaglio), circa 1446, Galleria Regionale della Sicilia Palazzo Abatellis, Palerme
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Dans l'obscurité, un tableau s'élève lentement du sol, émergeant délicatement de l'ombre, accompagné par la musique jouée en direct. Il trouve sa place au fond de la scène et commence à prendre vie. À ce moment, un danseur apparaît, surgissant derrière le tableau.
Le danseur commence à interagir avec le tableau en reproduisant avec une précision les gestes figés sur la toile. Il transforme l'art statique en une danse fluide et expressive. Chacun de ses mouvements semble se fondre harmonieusement avec l'essence du tableau, créant ainsi une fusion entre l'art visuel et la danse vivante. Le tableau s’anime à travers le danseur. Les mouvements de la main, jadis figés sur la toile, prennent soudainement vie, émergeant de l'abstraction pour s'exprimer pleinement dans la réalité du moment. Cette relation magique entre le tableau et la danse crée une expérience singulière, captivant le public dans un univers où l'art transcende les limites de la forme et de la perception.
La disparition du premier danseur est faite de manière magistrale avec une telle fluidité que le spectateur ne s'en rend même pas compte. Les quatre danseuses entrent en scène, transposant un autre motif du tableau. Leurs mouvements évoquent instantanément les chorégraphies de Pina Bausch, notamment celle de Café Müller. La scène se caractérise par des gestes répétitifs, explorant le sentiment d’échec et de l'impossibilité de se libérer. C’est précisément la répétition qui souligne l'état d'être fermé, empêché de bouger dans un cycle sans fin. La scène devient un miroir de la lutte où la beauté du geste répétitif réside dans sa capacité à exprimer l'émotion derrière chaque itération.
La scène suivante nous transporte dans une fusion étonnante entre la femme et le tableau. La danseuse pénètre dans cet univers pictural, s'y intègre et devient une partie vivante de l'œuvre. Une danse séduisante s'ensuit, où la femme interagit avec les personnages figés du tableau, devenant elle-même l'une d’eux. Le triomphe de la mort se transforme en le triomphe de la danse qui surmonte l’immobilité et la fait vivante.
Sous le rythme du chant de Hallelujah, les danseuses font leur entrée, ajoutant une dimension vocale à leur performance. Elles modulent la tonalité de leurs voix, faisant frissonner leurs corps au gré de la mélodie. À ce moment précis, l'influence de Café Müller se révèle de nouveau, cette fois à travers l'utilisation des chaises qui dans Café Müller deviennent des instruments de mouvement, conditionnant les déplacements des danseurs. Cependant, une nuance subtile se dégage ici : les chaises semblent prendre vie d'elles-mêmes, animées par la danse elle-même. La scène évoque ainsi une symbiose entre la danse et l'objet inanimé, créant une expérience où l'art transcende les limites de la réalité.
Le tableau prend vie également avec des paroles. Une danseuse commence à jouer les personnages, imaginant ce qu'ils pourraient dire, et elle le fait en italien. Cependant, on regrette qu’il n’y avait pas de surtitre, et malheureusement cette scène n’évoque pas la puissance qui caractérise l'ensemble du spectacle. En fait, on réalise que l'aspect du jeu d'acteur manque, ce qui aurait apporté davantage de force à cette scène.
Dans la scène suivante, tous les danseurs tentent de « sortir du tableau », chacun essayant de s'échapper. Une fois de plus, le motif de la répétition se manifeste. Tout bascule lorsque le danseur apparaît avec un bateau gonflable auquel il semble attaché. Cette partie semble représenter une danse de survie, évoquant probablement l'idée de migration et les défis liés à la survie.
La conclusion du spectacle est tout simplement magique : une danse avec la toile qui projette des étincelles de lumière au-dessus d'eux. Ensuite, le tableau se pose délicatement sur le sol, le bateau se dégonfle grâce à l’instrument de musique. La musique s’éteint, une immobilité s'installe, mais celle-ci n'est jamais figée dans la « mort », mais toujours imprégnée de vie.
Il Trionfo della Morte revêt une mosaïque de fonctions : il est à la fois rideau, élément du décor, il incarne le personnage, il est déclencheur du geste, schéma des mouvements, modèle, langage et message. Il symbolise le triomphe de la mort, contre lequel la danse engage un combat.
Aida Copra
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